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J'ai rêvé d'un citron carré

exposition personnelle présentée par l'association TocToc chez un particulier à Reims

2020

À la manière d'une collectionneuse, Anaëlle Rambaud accumule des images trouvées au fil de ces pérégrinations aussi bien dans le monde physique que sur la toile. L'intérêt qu'elle porte à ces représentations disparates découle d'une réflexion sur leur matérialité et leur diffusion à l'ère numérique. Pour l’exposition J’ai rêvé d’un citron carré, le contexte intimiste de la maison de famille permet l'intégration des recherches plastiques de l'artiste aux espaces de vie quotidienne.

 

Dès l'entrée, la peinture d'un enfant accroché au mur évoque la naïveté originelle des peintures rupestres. Cette spontanéité formelle qui tend vers une réduction à l'essence se retrouve dans la série des SCREEN GHOST, clin d'œil facétieux à l'origine de ces visuels : des captures d'écran (« screenshots » en anglais) tirés des réseaux sociaux. De l'esthétique léchée des images sources ne demeure plus qu'une idée vague ; le passage par différents états - numérisés, dessinées, projetées, bombées à l'aérosol - pour parvenir à une « synthèse » introduit une nouvelle temporalité, en rupture avec l’instantanéité virtuelle. Quand l'artiste allemand Gerhard Richter voyait en la photographie l'intermédiaire entre la réalité et la peinture, Anaëlle Rambaud ressent quant à elle le besoin d'aboutir à une œuvre picturale pour l'ancrer dans le réel et réaffirmer son statut unique. Dans un deuxième mouvement, s’éloignant de l’image pour s’intéresser au texte, l’artiste réalise l'oeuvre « voici enfin le soleil » à partir d’un ensemble de cartes postales dénichées en brocante. Il s'agit là d'une manière de réactiver cette pratique de l’attention tombée en désuétude et qui s'oppose aux photographies de vacances frénétiquement postées sur Instagram, sans réels destinataires. Toutefois, par la réécriture à l’ordinateur, supprimant dans un même temps l’identité manuscrite, l'artiste souligne la dimension générique de ces messages. S'opère alors un double mouvement : d’une part la dépersonnalisation des textes qui deviennent les vestiges d’une mémoire collective, d’autre part la re-personnalisation des images qui accèdent, par la peinture, à un statut singulier. L’expérience concrète se poursuit en un mouvement ascensionnel vers le dernier étage de l’habitation. La sculpture d’un chat, dont la forme abstraite s'inspire d'un arrêt momentané dans un clip vidéo, rejoue la planéité de l’image. Les variations atmosphériques de l’artiste Benoît Blanchart participent à la création d’un environnement fictif. Dans l’esprit des dioramas, l’animal s’intègre à un dispositif scénique qui révèle, dans un même temps, la dimension factice de l’art. C’est aussi en ce sens que peuvent être perçus les citrons sculptés un peu plus grands que nature, dispersés ça et là dans l’espace d’exposition. L'unique citron carré, réminiscence allusive au titre de l'exposition, nous rappelant que tout ceci n'est qu'artifice et que face à la présupposée authenticité de l’art, l’artiste est avant tout un·e faiseur·se d’images.

texte de Chloé Godefroy

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